Publié le 15 mai 2025 par Ccalmettes

Collection Pinault : Suivez le regard

Exporama, un été d’art contemporain est de retour et avec lui, une nouvelle exposition issue de la collection Pinault, programmée au couvent des Jacobins. Intitulée “Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault”, celle-ci invite à découvrir 90 œuvres s’offrant un face à face avec le visiteur, et nous rappelant qu’un simple regard peut dire beaucoup de choses. À l’affiche également, un focus inédit entre “la mémoire et l’oubli” sur l’œuvre de l’artiste Claire Tabouret. 

Les yeux dans les yeux. Portraits de la Collection Pinault

Lynette Yiadom-Boakye, Vigil For A Horseman, 2017

Du 14 juin au 14 septembre 2025 au Couvent des Jacobins 

Sur les 10 000 œuvres composant la collection Pinault, la moitié touche de près ou de loin la représentation de la figure humaine“. Brossé par Jean-Marie Gallais, conservateur de la collection Pinault et commissaire de l’exposition “Les yeux dans les yeux – portraits de la collection Pinault“, le tableau est très parlant. Il nous rappelle que le portrait est une constante de l’art, qu’il soit contemporain ou non.
Des portraits, donc. Mais aussi un portrait de la collection Pinault, en 90 œuvres d’une étonnante diversité. “Le regard est en quelque sorte le fil rouge de l’exposition, il nous indique le chemin à suivre.

Mickael Jordan en mode criminel

Fait sur mesure pour coller à l’architecture du couvent des Jacobins, ce parcours invite à découvrir une cinquantaine d’artistes de tous horizons et de tous les continents. “Certaines œuvres ont plus d’un siècle, d’autres sont très contemporaines“, poursuit Jean-Marie Gallais.
Pour commencer, rien de tel qu’un tableau en trompe l’œil. Signé de l’artiste roumain Victor Man, ce dernier donne à voir un cheval les yeux dans les yeux avec un serpent. “Cette œuvre a été conçue comme un autoportrait, nous sommes dans le registre de la parabole.
Intitulée “Jouer avec le genre”, la 1ère section de l’exposition revient sur la longue histoire du portrait dans l’art contemporain. L’occasion de se perdre dans un labyrinthe où l’on croisera cet été, Brad Pitt allongé sur un sofa, Mickael Jordan photographié de profil à la manière d’un cliché d’identité judiciaire, Andy Warhol en mode miroir, ou encore Jodie Foster en filigrane. Réalisés par la photographe de mode Annie Leibovitz, ces images ont en quelque sorte immortalisé ces célébrités, comme celle nous montrant Yoko Ono et John Lennon, juste avant l’assassinat de ce dernier.
L’émotion est donc au rendez-vous, comme dans ces portraits imaginaires de personnes afro-américaines, peints par Lynette Yiadom – Boakye. “L’artiste a dressé le triste constat qu’il y avait peu de gens de couleur dans les musées et dans l’histoire de l’art.” Jusqu’à présent absents, ces regards n’en sont que plus forts.

Portraits robots et big brother

Cindy Sherman, Untitled #351, 2000

Les créations de Cindy Sherman, Pierre & Gilles et autre Richard Prince balisent le 2e espace de l’exposition consacré à “La scène et l’écran”. L’occasion de découvrir des œuvres inédites, comme celle de Camille Blatrix. “Le sujet – un geek les yeux plongés dans son téléphone – contraste fortement avec le support – une marqueterie de bois réalisée dans les règles de l’art“, nous éclaire Jean-Marie Gallais. Jamais exposée non plus, cette scène de zoo de Sanya Kantarovsky montrant un homme et un enfant. Qui regardent-ils, un animal ou nous, les bêtes curieuses ?

Dans la 3e partie intitulée “Sonder l’âme : impossibles portraits”, l’exposition invite à s’interroger sur notre monde sous surveillance. Les fous de Marlene Dumas y répondent à celui de Jean-Michel Basquiat, adressant au passage un clin d’œil aux portraits d’aliénés (Les Monomanes) de Théodore Géricault. Les anonymes de Luc Tuymans nous renvoient aux tentatives de portraits robots réalisées par la médecine légale à partir de corps sans tête ou de visages abimés. Ces trois yeux de pigeons convoquent enfin le monde de Big Brother et de Georges Orwell… Sans oublier ces portraits réalisés par Miriam Cahn pendant la guerre des Balkans.

Portrait caché

Dans la section “Masques et peaux : mettre en jeu son identité”, les portraits se dissolvent (Andy Robert), une sculpture de Janus aux deux visages ne sait plus où donner de la tête (Thomas Schütte), des histoires se dissimulent sous la surface des tableaux, comme dans cette œuvre exposée pour la 1ère fois du Sénégalais Arébénor Basséne. “A priori de style Renaissance, ce portrait porte en fait en lui l’histoire de la civilisation africaine et la légende du roi Aboubakri II. Ce dernier aurait découvert le continent Américain bien avant Christophe Colomb, au terme d’un long périple réalisé en pirogue.”

Après être parti “Explorer l’intime”, le visiteur achève sa visite en nourrissant ses rêves, “De l’intime à l’éternité”. Le dernier volet d’une exposition dans laquelle l’artiste se retrouve face à face avec lui-même et sa propre finitude, à l’image de cet “autoportrait à la mort” réalisé par Yan Pei-Ming. Fin du parcours. 


Jean-Baptiste Gandon   

Tourisme éco-responsable